mercredi 30 avril 2008

Death In June - But, What Ends When the Symbols Shatter (New european recordings/1992)

Dans un Roi sans divertissement, Langlois est fasciné par la vue d'un sang rouge vif sur une neige blanche et aveuglante. C'est le sang des victimes et le résultat des tragédies ; Langlois est le gardien de la Loi et l'acteur de la Justice. Contradiction pour lui insolvable, il finira de la dynamite dans la bouche, son sang enfin éclaboussé partout dans l'hiver.
Bien qu'il cite plus volontier Yukio Mishima – chez qui la beauté est à brûler – ou Jean Genet – pour qui les nazis sont nobles et vénérables – le leader emblématique de Death in June, Douglas P, ressemble à plus d'un titre au personnage de Giono. Son attirance pour les symboles d'horreur est irrépressible. Il y côtoie une force tétanisante qu'il prend violemment dans la gueule, sur un versant purement affectif et détaché de toute morale. Pas étonnant dès lors qu'il soit accusé de tous les vices lorsqu'il célèbre l'esthétisme de l'holocauste et la saleté de l'homosexualité, quand bien même il arpente les festivals anti-racisme en affichant son homosexualité.
Quand il s'agit de sa musique, Douglas P est tout aussi insaisissable. Death in June commence très tôt dans les années 80, dans un registre proche de Joy Division, et va depuis tatônner entre plusieurs amours qui vont se hierarchiser selon les rencontres et les humeurs : ambient, indus, folk. But, What Ends When the Symbols Shatter est sans doute l'album de Death in June le plus homogène et de manière évidente le meilleur. Toutes les chansons sont construites autour de guitares folk simples et exceptionnellement belles sur lesquelles se pose la voix monocorde de Douglas P. Ce qui éloigne le groupe du mouvement folk classique, c'est sa façon de se servir des guitares dans la répétition, dans des boucles hypnotiques ponctuées de collages gothiques et industriels. On en arrive au final à des pièces plus oniriques qu'acoustiques, sombres mais jamais pesantes, mélancoliques au possible et pourtant jamais suicidaires.
Ce que j'ai dit jusqu'à présent dessine plutôt une musique trouble, lointaine et renfermée sur soi. Mais l'importance de cet épisode de Death in June est tout de même qu'il se pose comme un point cardinal dans la révolution musicale opérée à cette époque – révolution qu'on dira shoegaze, atmosphérique ou noise. C'est là le point de croisement entre la culture indie-rock qu'on connaît tous et la permanence d'une culture dark et gothique qui traverse les années sans crier gare. Et ça a de quoi ravir tout le monde.

5/5

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Onirique en effet....Il y a de la lumière dans cette voix qui semble surgir d'outre-tombe...Il chante dans une forme de détachement suprême.Sans nullement céder à la fascination ou l'ambiguité du personnage de Douglas P, je trouve que les albums de Death in June , à partir de celui-là sont largement irrésistibles..On touche clairement à une forme d'art, notamment en vertu du caractère imtemporel et de la pure émotion que le groupe insuffle dans sa musique..