Entre les deux vies de Cave In – l'une hardcore-metal et l'autre pop-rock – est sorti ce que l'on serait tenté d'appeler un album de transition, en l'occurence le Jupiter qui nous concerne. Par album de transition, néanmoins, on entend toujours un concept nébuleux, qui serait par exemple de considérer le disque en question comme l'instantanée d'un work in progress, ou même un tour de chauffe, un brouillon avant des sorties serieuses et définitives. L'usage est donc risqué pour un Jupiter qui, incontestablement, est le point d'orgue d'une carrière fougueuse et inégale.
Récupérant les structures complexes de leur première vie – où ils ont je le rappelle fait jeu égal avec Converge – et les ouvrant aux sphères éthérées de leur seconde, Cave In réussit là le tour de force d'inventer le power-Pink Floyd. Comme leurs lointains aînés, il n'y a pas de confusion faite entre onirisme et mélancolie, entre expérience de l'apesenteur et méditation nostalgique. Jupiter s'offre entièrement dans un trip cosmique, loin dans un espace coupé de toute broutille sentimentale et de toute dramatisation existentielle. La voix de Stephen Brodsky est sensible et ses harpèges sont cristallins, mais ce n'est jamais sirupeux ou même émouvant, nous avons juste affaire à un dépaysement spatial, profond et transcendant. Ses textes eux-mêmes sont là pour nous confirmer que ce à quoi nous amène Cave In, c'est quelque chose comme une nouvelle visite des dernières minutes du 2001 de Kubrick, avec cette même forme d'élévation de soi – sans ego, et cette nette impression de totalisation des espaces et des durées.
Jupiter renvoie aux différents psychélismes et progressismes, il renvoie également à la puissance du post-hardcore et aux batifolements mélodiques de Silverchair, et tout ça à un stade muté, en dehors du grand cirque musical, créant par là-même un pendant précieux et convaincu de l'hystérique et horripilant Origin of Symmetry de Muse.
4.5/5
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