Dans les figures emblématiques que l'on ne considère qu'à l'état venteux, il n'y a guère que Miles Davis et David Bowie. L'un comme l'autre n'ont jamais trouvé de forme définitive, portés par un mouvement de réinvention effréné, limite inquiétant dans leur manière de tenir par les couilles le futur musical que nous allions vivre. Davis a imaginé le jazz dans sa face la plus lumineuse et contemplative – son jazz modal – avant de gratter à l'autre bout, du côté du brouillard rock et des orages électriques ; Bowie, dans un geste similaire, a franchi toutes les barrières de la théatralité pop avant de se renfermer et de s'enfoncer dans l'obscurité Berlinoise. Miles Davis est mort en annonçant le hip-hop, sans génie, avec juste le don de ceux qui annoncent les décennies prochaines ; s'il est écrit qu'il connaîtra le même destin, David Bowie aurait pu mourir pas mal de fois ces vingt dernières années – par exemple en 1995 à la sortie d'un Outside très moyen qui formalisait tout de même l'importance de la techno et de la scène industrielle, préfigurant du même coup l'electroclash.
Toute cette grande introduction pour dire qu'on ne penser pas trouver, en 2002, un disque de Bowie à l'allure solide. Un album dur comme de la pierre, qui n'a rien à dire au-delà de ces extrémités, petite boîte à secret, parenthèse entre des disques médiocres et simulaténemnt prophétiques. Heathen est juste un bon album, sobrement rock à l'occasion (avec reprises de Neil Young et des Pixies à la clé), grandiloquant lors de refrains très début 70's, héritant de l'étrangeté de Low ou Heroes pour d'hypnotiques balades (Slip Away, I Would Be Your Slave). Pas d'égarement, plus d'envie de changer le monde : Bowie est à cet instant un grand homme digne devant sa condition d'artiste vieillissant. Il n'en faut pas plus pour l'aimer comme au premier jour.
4/5
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