Quand on parle de Carl Craig, on associe deux dimensions, celle d'un héritage évident du son de Detroit (et la réactualisation perpétuelle des fantômes de Derrick May et Juan Atkins), et celle d'un éclatement de ces mêmes références patriarcales. Le mouvement musical de Carl Caig a toujours été dans le champ de la surprise, jouant de la house funky (Paperclip people) aussi facilement que dirigeant un band de jazz (The Detroit Experiment, Innerzone Orchestra) ; mais oscillant entre les genres sans jamais s'éloigner d'un même noyau, inattaquable et franchement immuable, qui est celui de cette tradition techno de Detroit. Le parcours discographique du bonhomme a donc ceci d'impressionant qu'il est aussi rapide et en constante mutation qu'il est passéiste et immobile sur ses racines. More songs about food and revolutionary art, dans l'ensemble de l'oeuvre de son auteur, est le la fois le manifeste et le chef d'oeuvre de ce curieux jeu d'avancées et de fixations.
Comme dans le célèbre Landcruising, les nappes futuristes cotoient des rythmes mid-tempo forcément inspirés de la musique black. Mais cette fois-ci les structures volent en éclats et les morceaux prennent des contre-sens étonnants vers des sphères trip-hop (Red Lights), ambient (Goodbye world), jazz (Food and Art) ou carrément innommables (Attitude). L'éclectisme est donc de rigueur, se retrouvant néanmoins sur un même fil autant expérimental que mélancolique. Grand disque contemporain d'explosion des acquis, More songs about food and revolutionnary art est donc tout autant un long poème nostalgique, tout entier orné de mélodies angéliques et des claviers vaporeux.
Depuis 1997, les choses ont beaucoup changé. Choses technologiques, choses esthétiques. Le disque vieillit énormément, et pas nécessairement pour son mal. Car encore une fois, on pourra y poser une oreille alanguie, sur la matière d'une relique, petite madeleine électronique, et l'on s'étonnera souvent de ne pas y voir que l'empreinte d'une vieille époque mais aussi un disque visionnaire, free et sûr de soi.
5/5
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